PLUS DE TAXES = PLUS DE LOGEMENTS VACANTS
En 2023, quelque 3 millions de logements étaient inoccupés en France, soit 8,2 % du parc. Depuis 1990, le nombre de logements vacants a augmenté de près de 1,2 million, soit de 60 %. Pourtant, deux taxes ont été créées pour l’éviter. Seraient-elles inefficaces ?
Les gouvernements n’aiment pas les logements en permanence inoccupés. Pour inciter leurs propriétaires à les mettre sur le marché, ils ont entrepris de les taxer.
Taxe spécifique en zones tendues ou taxe d’habitation ailleurs, les logements vacants sont toujours perdants
C’est ainsi qu’est née la taxe sur les logements vacants (TLV). Instaurée par un décret de décembre 1998, elle a été appliquée, pour la première fois, en 1999 sur les logements inoccupés depuis au moins deux ans dans huit agglomérations où la demande était considérée comme tendue (Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nice et Cannes-Grasse-Antibes).
La TLV a été étendue en 2013 à toutes les zones urbaines de plus de 50 000 habitants pour les logements laissés vacants depuis au moins un an au 1er janvier de l’année d’imposition. La TLV touchait alors 28 zones urbaines et 1 151 communes.
En 2023, la liste des communes a encore été allongée. Désormais, la taxe s’applique dans toutes celles qui connaissent des tensions locatives, même si elles ne font pas partie d’une grande agglomération. Près de 3 700 communes sont aujourd’hui concernées. Par la même occasion, le Gouvernement a relevé les taux d’imposition. Ils sont de 17 % (au lieu de 12,5 %) la première année de vacance, et de 34 % (au lieu de 25 %) à compter de la deuxième année. Ces taux s’appliquent sur la valeur locative cadastrale. Celle-ci ayant été revalorisée de plus de 7 % en 2023, le propriétaire d’un logement vacant depuis deux ans a donc vu sa TLV augmenter de plus de 45 % comme l’a révélé le magazine Que Choisir.
Quant à la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV), instaurée en 2006, elle touche toutes les communes hors du champ de la TLV, soit plus de 2 000 en 2020 selon les estimations. Elle s’applique sur les habitations vides depuis plus de deux ans consécutifs au 1er janvier de l’année d’imposition dans les communes et intercommunalités qui ont voté sa mise en mise en place.
Le nombre de logements vacants ne cesse d’augmenter
Ces deux taxes ne semblent pas avoir atteint leur objectif. Selon la toute nouvelle note de l’Insee, 3,1 millions de logements sont aujourd’hui inoccupés, soit 8,2 % du parc français. Depuis 1990, ce nombre a augmenté de 60 % (il était alors de 1,9 million, soit 7,2 % du parc).
L’évolution n’a pas été linéaire. Entre 1990 et 1999, la hausse a été de 6 %, soit 0,7 % en moyenne par an, avant de diminuer jusqu’en 2005. Puis, entre 2005 et 2017, le nombre de logements vacants a augmenté de 47,3 %, soit +3,3 % par an en moyenne. Depuis 2017, la courbe a un peu fléchi (+0,8 % par an en moyenne).
Toujours est-il que, depuis 2005, le nombre de logements vacants progresse 2,3 fois plus vite que le nombre total de logements.
L’augmentation est sensible dans tous les départements
La note de l’Insee nous apprend que tous les départements français sont concernés, à l’exception de la Corse et de l’Hérault, surtout ceux où le taux était déjà élevé.
En toute logique, il y a de plus en plus de logements vacants dans les départements qui se dépeuplent, le long de ce qu’on appelle la « diagonale du vide ». A l’inverse, dans les départements alpins et dans ceux qui bordent l’Atlantique, en Île-de-France ainsi qu’en Ille-et-Vilaine et dans le Var, c’est-à-dire les territoires où la population augmente, la proportion croît moins fortement.
Le taux de vacance est également plus faible dans les grandes aires d’attraction des villes. Dans celle de Paris et des villes de 700 000 habitants ou plus, il est en moyenne de 7 % (inférieur à la moyenne nationale) ; avec des écarts notables, de 5,2 % dans l’aire de Nantes à 8,1 % dans celle de Grenoble. Dans les agglomérations plus petites – entre 200 000 et 700 000 habitants – il est identique à la moyenne nationale (8,2 %), variant de 6 % à Cannes à 10 % à Nice.
Dans les aires d’attraction des villes de 50 000 à 200 000 habitants, 8,9 % des logements sont vacants avec de grandes disparités : 4 % aux Sables-d’Olonne, 14 % à Vichy. Enfin, c’est dans les aires d’attractions des villes de moins de 50 000 habitants que le taux de vacance des logements est le plus élevé, avec une moyenne de 9,6 %.
On constate aussi un taux plus fort dans les centres que dans les périphéries. Par exemple, dans les aires d’attraction des villes de 200 000 à 700 000 habitants dont le taux de vacance des logements, nous l’avons vu, est égal à la moyenne nationale (8,2 %), on remarque que ce taux est, en moyenne, de 10,1 % dans la commune-centre, de 6,7 % dans les autres communes du pôle urbain (petite couronne) et de 7,4 % pour les communes de la périphérie (grande couronne). Ce schéma se reproduit dans toutes les aires urbaines, quelle que soit leur taille.
Supprimons les taxes sur les logements vacants
Il y a bien des raisons pour qu’un logement reste inoccupé. Nous l’avons dit plus haut, les logements vacants se trouvent majoritairement là où les prix sont le moins élevés, mais aussi dans les villes-centres des agglomérations, c’est-à-dire là où ils sont potentiellement au maximum, comme à Paris.
Par conséquent, ce n’est pas son prix qui influe sur la vacance ou non d’un logement. Plus sûrement, entrent en ligne de compte l’inadéquation entre l’offre et la demande (problème de localisation, nature et taille du bien, éloignement des services, proximité immédiate d’une zone de nuisance…), l’ancienneté, voire l’insalubrité éventuelle, le statut de la propriété et les problèmes de succession, les litiges entre locataires et propriétaires, voire entre les copropriétaires, etc. Le résident d’une structure collective comme un Ehpad peut aussi avoir sa résidence principale inoccupée pendant plusieurs années.
Une taxe n’a jamais résolu aucun de ces problèmes. D’ailleurs, comme nous le disions au début de cet article, le taux de vacance des logements a augmenté partout entre 2009 et 2020, sauf dans l’Hérault et en Corse. Parfois, la hausse est modeste, comme dans les Alpes-Maritimes (+3,7 %) ou la Charente-Maritime (+4,5 %). Parfois, elle est énorme comme dans le Territoire-de-Belfort (+62 %). En région parisienne, l’augmentation n’est pas négligeable : +28 % dans les Yvelines, +25 % dans le Val-d’Oise, +18 % à Paris.